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Quelle est la monnaie romaine ? 

    Quelles sont les monnaie romaines ?

    prolégomènes aux systèmes monétaires romains

    Temps de lecture 11 mn


    SE PERFECTIONNER > LES BASES > LES MONNAIES ROMAINES DE A à Z

    Le sesterce est-il la monnaie des Romains ?

    Si les mots croisés rappellent régulièrement que le yuan est la monnaie chinoise, le sucre fut la monnaie équatorienne ou le kyat celle de la Birmanie, plus près de chez nous, on associe tous aussi la livre au Royaume-Uni ou la couronne à la Norvège

    Mais alors, quelle était la monnaie romaine ?

    En fait, il aurait davantage fallu se demander « quelles sont les monnaies romaines ? ».

    Car à cette question, on ne peut pas apporter une réponse simple : le système monétaire romain n’était pas du tout comme ceux d’aujourd’hui, organisé autour d’une monnaie et de son divisionnaire (qui vaut souvent un centième). Il existe donc beaucoup de dénominations, qui ont évolué selon les époques (l’histoire de la numismatique romaine compte 8 siècles ! ).

    Sommaire

    1. Aux origines
    2. Le système de la république
    3. Le haut empire, l’époque classique
    4. La réforme monétaire de Dioclétien (294)
    5. IVe & Ve siècle
    6. Conclusion
    7. Bibliographie

    I/ Aux origines

    a/ l’argent, à l’origine en usage en Italie du Sud, pour échanger avec le monde grec

    C’est vers 326 avant notre ère qu’apparaissent des monnaies au nom de Rome, en bronze. Et vers 280 avant notre ère apparaissent des didrachmes et des drachmes d’argent frappées pour Rome sur l’étalon des cités campaniennes (env. 7g pour les didrachmes).

    Elle portent d’abord le gentilé en grec (ΡΩΜΑΙΩΝ, Rômaiôn, « des Romains ») puis rapidement en latin : ROMANO(rum). Quelques bronzes (litra et double-litra) permettent aussi d’avoir des divisionnaires. On le appelle monnaies romano-campaniennes, et si certaines furent frappées en Grande-Grèce (Neapolis, Métaponte…), la plupart le fut à Rome (et à Cosa).

    didrachme de la république
    Didrachme [Collection Christophe Oliva]

    Les plus célèbres de ces didrachmes, après 225, portent à l’avers une tête imberbe janiforme et au revers Jupiter dans un quadrige [👉 savoir reconnaitre les chars sur les monnaies romaines]. Aussi furent-ils nommés quadrigats (quadrigati, “avec un quadrige »).

    b/ le bronze, à l’origine en usage à Rome et Italie du Nord, pour échanger avec le monde étrusque et italique

    aes signatum
    Aes signatum (coulé)

    Parmi les premières monnaies romaines, au début du IIIè siècle avant notre ère, très différentes de nos pièces, on trouve aussi des lingots de bronze, coulés dans des moules reproduisant des motifs (bétail, tridents, animaux…), c’est l’aes signatum (= bronze marqué). Généralement, ils pèsent plus d’1,3kg.

    Dans la première moitié du IIIe siècle avant notre ère, on coule des monnaies circulaires d’environ 324g, soit la livre romaine, portant principalement à l’avers une tête de Janus bifrons et au revers une proue de navire : c’est l’as, c’est-à-dire “l’unité”. Aussi porte-il la marque I (1 en chiffre romain).

    AS de Janus
    As (frappé) de la République [Numismatica Ars Classica]

    Mais, encombrant, on en tire des divisionnaires. Il est composé de 12 onces (uncia, portant une tête de Rome à l’avers et un globule •), 6 sextants (sextans, portant une tête de Mercure et deux globules ••), 4 quadrans (tête d’Hercule et trois globules •••), 3 triens (tête de Minerve et 4 globules ••••),  2 semis (tête de Saturne, et un S).

    Dextans de la république
    Dextans (frappé) [A Tkalec Ag]

    D’autres divisionnaires sont d’une émission et d’un usage beaucoup plus rares : le dodrans (¾ d’as), le bes (⅔ d’as), le quinconce (quincussis, 5 onces), le dextans (10 onces) ou encore la demi-once.

    On trouve aussi un “double-as”, le dupondius (littéralement “double poids”), marqué logiquement ||.

    dupondius de la république
    Dupondius (coulé, env. 600g) [Bertolami Fine Arts]

    Ces types iconographiques ne sont pas systématiques, mais ils dureront jusqu’à la fin de la période républicaine. Même si les divisionnaires se feront de plus en plus rares, à cause de réductions pondérales qui feront progressivement passer l’as de 324g à l’origine à moins de 10g au milieu du Ier siècle avant notre ère.

    La masse baissant, les ateliers passèrent de monnaies coulées à des monnaies frappées, pour des raisons de facilité de fabrication.

    _____________

    II/ Le système de la République (-211 / -27)

    Vers 211 avant notre ère, la République abandonne le quadrigat et crée un nouvelle monnaie d’argent, le denier, ainsi nommé car il vaut 10 as de bronze et pèse environ 4,5g. Il figure, aux débuts, Rome casquée à l’avers et les Dioscures à cheval au revers, et il porte la marque de valeur X (10 en chiffres romains, pour 10 as). Pendant un temps, la correspondance fut portée à 16 as (XVI ligaturés)

    La monnaie d’argent et la monnaie de bronze sont enfin clairement reliées.

    Des divisionnaires d’argent sont aussi créés : le quinaire (marque valeur V [=5] ) et le sesterce (marque de valeur ||S, pour deux as et un semi, puis il passe à 4 as mais garde sa marque).

    denier, quinaire et sesterce de la république romaine
    De haut en bas : denier, quinaire et sesterce

    Exceptionnellement, des monnaies d’or ont été émises, valant 20 (XX), 40 (XXXX) ou 60 (↓X) as. 

    Monnaie d'or de la république valant 60 as
    Monnaie d’or valant 60 as

    Les poids et titres ont régulièrement changé, mais les valeurs respectives étaient conservées.

    Les bronzes (as et ses divisionnaires) restent en usage. Ce qui donne pas loin de 17 dénominations différentes en circulation officielle jusqu’à l’époque d’Auguste. Imaginez un peu au marché : 

    – Combien, votre poulet ?
    Un as.
    Vous avez la monnaie sur un quinaire?
    – Oui, mais seulement en triens.
    – Ah, j’aurais préféré en onces, car il me manque un quadrans pour faire l’appoint chez le boucher alors que je lui dois déjà un semis.

    Néanmoins, au quotidien, les prix et les comptes s’expriment essentiellement en deniers et en as.

    Parallèlement, de 211 à 170 avant notre ère, une monnaie d’argent (à 70% environ) fut frappée : le victoriat, ainsi nommé car il figurait une tête de Jupiter à l’avers et une Victoire couronnant un trophée au revers. Il ne porte pas de marque de valeur et, dans les trésors, il est souvent séparé des monnaies d’argent. Aussi ne semble-t-il pas s’insérer dans le système de la République.

    monnaie : victoriatus
    Victoriatus

    III/ Le système du Haut-Empire, l’époque “classique” (-27 / +294)

    Sous l’Empire, les dénominations sont stables, mais restent nombreuses.

    Le système tri-métallique s’impose, avec des monnaies d’or, frappées régulièrement et circulant réellement, d’argent, et de bronze (orichalque et cuivre).

    L’aureus, en or, pèse environ 7.85g. Il existe aussi de rares multiples. On appelle parfois binio le double aureus.

    aureus et denier
    Aureus & denier

    Il faut 25 deniers d’argent (d’env. 3,5g) pour faire un aureus.

    Il faut 4 sesterces, d’orichalque (une sorte de laiton, env. 25g) pour faire un denier d’argent et donc 100 sesterces pour un aureus.

    Le dupondius d’orichalque (env. 12,5g) vaut la moitié d’un sesterce, mais le double d’un as de cuivre (env. 10g).

    L’as se subdivise en 2 semis, ou 4 quadrans de cuivre.

    Il faut donc 1600 quadrans, 800 semis, 400 as, 200 dupondii, 100 sesterces ou 25 deniers pour faire un aureus. Mais au quotidien, il fallait être balèze en calcul mental pour savoir quelle monnaie rendre en quadrans quand un client achète un bol de soupe à un semis avec un sesterce.

    Sesterce, dupondius, as, semis et quadrans. Bronzes romains sous Trajan
    Sesterce, dupondius, as, semis & quadrans

    S’ajoutèrent parfois quelques divisionnaires : le quinaire d’or (demi-aureus) et le quinaire d’argent (demi-denier).


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    En 215, Caracalla (Marcus Aurelius Antoninus) crée une nouvelle monnaie d’argent : une pièce de 5g , valant un double denier (alors qu’en poids de métal, il aurait dû peser 6 ou 7g, il y a ici une tentative de fiduciarisation de la monnaie). Cette monnaie prit le nom de l’empereur : un antoninien. On le reconnaît à la couronne radiée solaire pour un homme ou un croissant de lune sous le buste pour une femme.

    Antoninien de Caracalla
    Antoninien de Caracalla

    Au troisième siècle, des crises politiques et économiques, ont amené à manipuler la monnaie qui perdit en masse et en titre, et ce furent essentiellement les aurei et antoniniens (de plus en plus en billon et finissant presque en cuivre) qui furent frappés. Les bronzes et les divisionnaires étant de plus en plus rarement émis.

    En 271, l’empereur Aurélien tenta de revaloriser l’antoninien, en lui faisant contenir au moins 5% (1/20e) d’argent. Sur ces monnaies figure la marque XXI en chiffres romains ou KA en lettres grecques (20=1, soit vingt monnaies valent une monnaie d’argent pur), et on les appelle alors aurelianus (ou aurélien)

    antoninien, aurélianus et denier de l'empereur Aurélien
    Antonininen (radié), aurelianus (radié et XXI à l’exergue) et denier (lauré)

    Cependant, malgré toutes ces dénominations, les prix et les comptes s’expriment essentiellement en as et en sesterces. Il fallait ainsi une fortune personnelle d’au moins 400 000 sesterces (et non 4000 aurei ou 100 000 deniers ou 1 600 000 as, ce qui revient pourtant au même ) pour accéder à la classe équestre, et les prix des commerces de Pompéi sont exprimés principalement en as.

    Avec la perte de valeur, au IIIè siècle, les prix et les comptes s’affichent de plus en plus en denier, qui n’est plus guère alors qu’une monnaie de compte puisque le module n’est quasiment plus émis.


    IV/ La réforme monétaire de Dioclétien en 294

    Face à ces difficultés monétaires qui ne laissaient guère en circulation que des auréliens très dévalués et des aurei peu utiles aux échanges quotidiens, Dioclétien refonde un système monétaire tri-métallique vers 294.

    L’aureus reste la monnaie d’or. Avec toujours l’existence de rares multiples.

    On crée une monnaie d’argent massif de 3,4g, l’argenteus.

    On frappe aussi une nouvelle grande pièce de bronze argenté d’une dizaine de grammes, le nummus (appelé anciennement à tort follis).

    Argenteus et nummus
    Argenteus et nummus

    On frappe encore des petites pièces radiées de cuivre d’environ 3g dont on ignore le nom et qu’on a pu appeler neo-antoninien, neo-aurélien, fraction radiée ou radiatus… 

    Quelques petits divisionnaires laurés en cuivre sont parfois émis, qu’on appelle quart de follis, ou denier.

    Leurs valeurs relatives ne sont pas connues avec certitude. L’unité de compte était le denier. Mais existait-il seulement un denier qui circule ou est-ce une monnaie purement abstraite ?

    Peut-être que le petit bronze lauré vaut 1 denier. Que la fraction radiée vaut 2 ou 2,5 deniers. Que le nummus vaut 12.5 deniers. Que l’argenteus en vaut 50 et l’aureus 500. Mais des décrets impériaux (comme l’édit d’Aphrodisias, en 301 qui fait passer l’aureus à 1000 deniers, l’argenteus à 100, le nummus à 25 et la fraction radiée à 4 ou 5) peuvent du jour au lendemain faire varier les valeurs relatives.


    V/ Aux IVe et Ve Siècles

    La réforme de Dioclétien n’a pas fonctionné : les argentei n’ont presque pas circulé, étant immédiatement thésaurisés (car la mauvaise monnaie chasse la bonne) et les nummi subirent des réductions pondérales les amenant de 10g à presque 4g en vingt ans.

    Constantin imposa au début de son règne le poids de 4,5g pour une nouvelle monnaie d’or qui remplace l’aureus, le solidus, et pour une nouvelle monnaie d’argent, le miliarense. Apparaît aussi le demi-miliarense, appelée silique (2,24g). 

    Solidus, miliarense et silique
    Solidus, miliarense et silique

    Les bronzes continuèrent à perdre en masse, même si à quelques reprises au IVè siècle le pouvoir tenta de rétablir de grands bronzes, qu’on appelle aujourd’hui majorina (ou maiorina) pecunia. Mais ce furent des échecs et les bronzes devinrent des petites monnaies peu soignées et presque sans valeur, qu’on nomme selon leur taille faute de connaître leur nom réel :

    • ae1 (env 25mm),
    • ae2 (env. 21mm),
    • ae3 (env. 17mm),
    • ae4 (15mm et moins).

    Face à la chute du bronze, l’économie s’adossa principalement sur l’or et l’argent, et on créa aussi des divisionnaires nécessaires dans des échanges plus quotidiens. On frappa le semissis ou semis d’or (2,24g d’or) et le tremissis ou triens du même métal (1,51g d’or).

    Tremissis d'Honorius
    Tremissis

    Au quotidien, donc, les prix sont exprimés en or, en particulier en solidi.


    Conclusion

    Quelle est la monnaie romaine ? Finalement, le monde romain connut plus d’une quarantaine de dénominations différentes (dont 26 illustrées ici). Et encore, nous n’avons pas abordé ici des modules encore plus rares comme le denier serratus (qui n’est qu’un denier), le binio, les multiples d’or ou d’argent, le double sesterce, les deniers du limes, le demi-nummus, les monnaies des mines et tout le monnayage provincial (cistophore, hémidrachme, tétradrachme, chalque…pourtant indubitablement des monnaies romaines) et d’autres encore qui auraient alourdi notre propos.

    Dès lors, difficile de dire quelle fut la monnaie des Romains.

    Néanmoins, selon les époques, on exprima les prix et on tint les comptes en as, deniers, sesterces ou solidi, même si les pièces qui circulaient étaient en unités différentes.

    Maintenant que vous savez quelles sont les monnaies romaines, apprenez à les déchiffrer correctement dans l’article dédié à leur lecture !


    Bibliographie

    Quelques très rares articles de mon site, dont celui-ci, contiennent quelques liens affiliés qui me permettent (d’essayer) de percevoir une commission pour financer l’hébergement de mon site mais je ne recommande que des produits que j’utilise moi même (et que vous pouvez voir sur diverses images, en salon ou sur mes vidéos YouTube).


    Texte concocté avec amour par Prof. Cambreling
    Illustrations, montage photos et mise en page par Bnumis.


    Images :
    Toutes les images utilisées sont issues de monnaies du British muséum, sauf mention contraire sous les illustrations.



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