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Monnaies romaines d’Égypte : comment lire une provinciale d’alexandrie ?

    monnaies d'Alexandrie

    Temps de lecture : 6 minutes

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    L’Égypte romaine : domaine personnel de l’empereur

    Après la « disparition » de Cléopâtre VII et « l’élimination » du dernier pharaon (oui, Cléopâtre VII n’a pas été « le dernier » Pharaon), Ptolémée XV Philometor Philopator Caesar, dit « Césarion », Octave, futur Auguste, décide que le territoire égyptien ne sera pas une province comme une autre.

    Il en fait son domaine personnel, qu’il va doter d’un « PRAEFECTVS AEGYPTI », de rang équestre (et non sénatorial, comme c’était l’usage), muni de « l’imperium » et du statut proconsulaire.

    Pour éviter tout problème avec le Sénat, il interdit même à ses membres de se rendre en Égypte sans son autorisation expresse ! Il faut dire que l’Égypte va fournir le plus gros contingent de l’annone (l’approvisionnement de Rome en nourriture), ce qui vaut bien quelques précautions !

    Un atelier d’une longévité exceptionnelle

    Créé par les Ptolémée – après Memphis ?? – dès le début de la création de la ville, l’atelier d’Alexandrie va émettre, sans interruption, un numéraire spécifique jusqu’à la fin de l’usurpation de Domitius Domitianus, en mars 297 de notre ère.

    À partir de cette date jusqu’à l’époque byzantine il frappe ensuite des monnaies communes à tout l’Empire (avec les marques d’atelier SMAL, ALE, le plus souvent).

    Ainsi, les monnaies romaines d’Égypte émises par cet atelier témoignent de la richesse et de la longévité de cette production monétaire sous le contrôle direct de l’empereur. »

    La langue d’usage « officielle » de l’Égypte…

    … est le grec, comme de tous les territoires orientaux – même si le démotique est encore utilisé par une partie de la population pour des actes de la vie courante (comptabilité, contrats divers, etc.).

    Ce sera donc en grec que seront rédigées les légendes de droit – et les quelques légendes de revers – des monnaies provinciales d’Alexandrie – et le plus souvent en MAJUSCULES -.

    lettre gecques

    Au fil du temps, certains signes vont être simplifiés sur les monnaies romaines d’Egypte pour faciliter le travail des scalptores : Le O remplacera assez rapidement l’ω, le Σ sera remplacé par sa version cursive : C , et la barre du Y se réduira au point de ressembler à un V.

    Les titulatures sont traduites quand elles peuvent correspondre à des termes connus des autochtones : « IMPERATOR » se métamorphose en « AVTOKPATOP » (autokrator), par contre certains termes « intraduisibles », comme « CAESAR » restent inchangés – sauf pour l’alphabet – « KAIC[AP] ».

    Surtout, de manière impensable pour un « vieux romain », l’Empereur de Rome est aussi Pharaon d’Égypte, il est donc « CEBACTOC » (sebastos), c’est-à-dire  » le vénérable  » ( différent de basileus ou de tyranos qu’on trouve d’ordinaire chez les Grecs), et traduction idéale du titre « auguste » !

    L’on va trouver également dans la titulature des qualités – réelles ou supposées ! – attribuées au souverain, il est souvent Évergète, résumé en « EVC », voire « germanique » ΓEPM, etc

    Une monnaie toujours datée

    Les émissions d’Alexandrie portent systématiquement une date, soit au droit – surtout au début de la période – soit, le plus souvent au revers.

    Elle prend la forme d’un signe rappelant le L – sans doute une résurgence du signe démotique pour « l’année » (renepet) – ou du mot « année » en grec ETOYC (etous), puis ETOVC, et d’une lettre grecque qui exprime un chiffre selon le tableau ci-après :

    chiffre grecs

    Le chiffre est celui de l’année règnale de l’Empereur, selon le calendrier égyptien traditionnel – de 12 mois de 30 jours, auxquels on ajoute 5 jours « épagomènes » – , qui débute le 19 juillet de notre calendrier .

    Ceci explique qu’un empereur ayant accédé au pouvoir en juin se voyait attribuer un « an 2 » (LB), dès le 19 juillet suivant et qu’à l’inverse on va voir des mentions d’un règne plus long pour un souverain décédé juste après cette date !
     
    Ceci étant posé, il est temps d’entreprendre la lecture de ces monnaies !

    Le droit (l’avers)

    Il va comporter au moins sur les plus grosses dénominations, drachmes et tétradrachmes, le buste de l’Empereur/Pharaon, tourné à droite ou à gauche, lauré, nu, drapé, cuirassé ou drapé et cuirassé.

    Au début, la légende est très courte, souvent limitée à ΣEBAΣT[OΣ] ( = CEBACTOC, sebastos , c’est à dire Roi) comme expliqué plus haut et comme sur cette monnaie d’Auguste.

    monnaies d'Alexandrie

    La première apparition du nom de l’empereur semble dater du règne de Tibère … et figure au revers :

    monnaie d'alexandrie TIBEPIOY - An 5 – RPC I, 5082
    TIBEPIOY – An 5 – RPC I, 5082

    Mais,  rapidement, avec la diffusion de monnaies d’un plus grand diamètre (drachmes et tétradrachmes), le style – presque – définitif va apparaître  : titulature au droit, plus ou moins longue,  et datation dans le champ, au droit, puis au revers. Et ceci jusqu’à la fin sur les monnaies de Domitianus !

    monnaie d'alexandrie  tibère
    TIBEPIOΣKAIΣAPΣEBAΣTOΣ (Tiberios kaisar sebastos– LIΔ (Tibère César, Roi – An 14) – RPC I , 5090
    monnaie d'alexandrie  gallien
    ΑΚΠΛΙΟV ΓΑΛΛΙΗΝΟϹΕΥΕΥϹ (A K P ΛΙ OV ΓΑΛΛΙΗΝΟϹ EV EVϹ)
    A[utocrator] K[aisar] P[ublius] LI[cinius] V[alierianus] GALLIENVS PI[eux] HEU[reux] – RPC , id. 75283
    monnaie d'Alexandrie domitianus
    ΔOMITI-ANOCCEB – Domitianus [Domiti-anos seb] , RPC Id. 76417

    Les revers

    Ils sont plus variés qu’on le pense généralement, même si, vers la fin l’aigle impériale devient très fréquente.

    Ils peuvent représenter des divinités, en pied ou en buste, des allégories (Alexandrie personnifiée), des animaux représentatifs de l’Égypte (crocodile, hippopotame, ibis, etc.), des empereurs divinisés, ou même des épouses impériales.

    L’année régnale, y figure le plus souvent, en abrégé ou en toutes lettres.

    monnaie d'Alexandrie  agrippine
    ΑΓΡΙΠΠΙΝΑ ΣΕΒΑΣΤΗ – LΓ – Agrippine, Reine – An 3 (de Néron) – RPC I, 5201
    monnaie d'Alexandrie buste d isis
    ETOYΣ TPITOY – Buste d’Isis – An 3 (de Domitien) – RPC II, 2490
    monnaie d'Alexandrie  nilus et crocodile
    Nilus et crocodile – LΓ – An 3 (de Philippe I) – RPC Id. 3089

    Comme noté plus haut on retrouve énormément d’aigles mais, quand même, dans des postures très variées – corps, tête et ailes – et des additifs dont la signification n’est pas toujours évidente !

    monnaie d'Alexandrie aigle avec palme a gauche
    Aigle avec palme à gauche + simpulum – AYT-TOKP [Imperat(or] – LIA – An 11 de Néron – RPC I, 5284
    monnaie d'Alexandrie  aigle tete de face
    Aigle de face, tête à droite, une couronne dans le bec, entre deux vexillae – LIA – An 11 de Maximien – RPC Id; 76395
    monnaie d'Alexandrie aigle tete a gauche
    Aigle à droite, tête à gauche, une couronne dans le bec – ETOYC – A – An 1 de Tacite – RPC Id. 75764
    monnaie d'Alexandrie aigle en vol
    Aigle en vol à droite, tête à gauche, tenant une couronne dans ses serres. Une étoile (le soleil ?) dans le champ; L Δ – An 4 d’Aurélien – RPC Id. 75690
    monnaie d'Alexandrie  aigle ailes déployés
    Aigle, de face, tête à gauche, ailes éployées, une couronne de lauriers (et un disque solaire ?) au dessus et une palme dans le champ à droite – LIB – An 12 de Gallien – RPC Id. 75518
    monnaie d'Alexandrie aigle qui porte zeus
    Aigle à gauche, tête à droite, ailes éployées, soutenant Zeus. Une palme dans le champ à droite. LS – An 6 de Philippe I – RPC Id. 2843

    En résumé, un monnayage varié et attractif, facile à déchiffrer avec un peu d’habitude et qui couvre une grande partie de la durée de l’Empire Romain.

    En plus, ce monnayage est très bien documenté : en ligne, grâce à l’indispensable RPC on line – dont toutes les illustrations présentées ici sont issues et par de nombreux ouvrages, dont les principaux sont indiqués plus bas en bibliographie.

    Jean Rougemont, ADMR n° 106

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    1 commentaire pour “Monnaies romaines d’Égypte : comment lire une provinciale d’alexandrie ?”

    1. Merci beaucoup Jean pour cet article très intéressant et merci à Cedric de le relayer ! Ne me reste plus qu’à creuser le sujet et à me pencher sérieusement sur mes monnaies  » à l’aigle »!

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