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PRATIQUER > LA MONNAIE PAR LES THÈMES
Dans l’Antiquité, une multitude de véhicules était utilisée pour se déplacer, jouer ou encore faire la guerre. Les monnaies romaines en reproduisent quelques uns, plus spécialement ceux réservés à l’élite de l’époque. Petit tour d’horizon de ce qui pourrait être un thème de collection à lui tout seul !
Sommaire
- Le quadrige
- Le bige
- La trige
- Le currus
- Le currus volucris
- Le currus triumphalis
- Le carpentum
- La tensa
- et les autres…
Il y a bien longtemps, dans notre galaxie….
En l’an 528 de la fondation de Rome le premier vaisseau spat.. véhicule, le char romain, apparait sur des monnaies.
il s’agit du quadrige, un char à quatre chevaux utilisé généralement pour des courses de chars ou des défilés triomphaux. Le terme « quadrige » vient du latin « quadriga« , qui signifie littéralement « quatre chevaux attelés ensemble ».
Le premier quadrige apparait donc au revers d’une monnaie romaine vers 225 avant J.-C. sur les quadrigati (didrachmes), ainsi que sur leurs fractions (drachmes)
Ils portent à l’avers une tête imberbe janiforme et au revers Jupiter dans un quadrige.
Mais c’est quoi un quadrige ?
Ce char romain, le quadrigen est une voiture basse et légère qui était dans l’origine muni d’un brancard dans l’intérieur duquel étaient placés tous les chevaux, ainsi que d’une longue barre transversale ou joug, étendue sur le dos des quatre bêtes.
Mais on perdit cette habitude assez tôt, et alors les deux chevaux du milieu (jugales) furent seuls attachés au timon, et maintenus par un joug, les deux extrémités (funales) n’étant plus attelés au char qu’au moyen de traits.
Le quadrige sera la voiture par excellence utilisée dans les courses de char : LE sport populaire à l’époque romaine.
Par ailleurs, le conducteur de char, dans les courses (et seulement dans les courses) est appelé Aurige.
Les Dioscures à cheval
Vers 211, la République abandonne le quadrigat et crée un nouvelle monnaie d’argent, le denier.
Il figure Rome casquée à l’avers et les Dioscures à cheval au revers.
Des divisionnaires d’argent sont aussi créés : le quinaire et le sesterce.
Et le bige déboula…
Mais quelques années plus tard, les dieux tutélaires de la république laissent la place aux premiers biges qui apparaitront sur des monnaies romaines.
Et c’est vers 194 avant J.-C. qu’il voit le jour sur un denier de la république (RRC 133/3). Sur cette monnaie, à l’avers la tête de ROMA et au revers Luna conduisant un bige.
Le terme « bige » fait référence à un char attelé de deux chevaux côte-à-côte.
Ces chars étaient souvent utilisés pour les déplacements rapides sur de courtes distances et étaient également associés aux courses de chars.
Il s’agit du même véhicule que le quadrige mais il est tiré par seulement deux chevaux.
Carte grise de ce char romain…
Le bige est donc une voiture basse et légère, avec un timon qui sépare les deux chevaux. S’il était déjà utilisé dans la Grèce antique ou dans le monde égyptien comme char de guerre, son usage sera diversifié dans le monde romain comme nous le verrons plus loin.
Notons que sur les monnaies romaines, le bige, comme le quadrige, peut être tirés par divers animaux (éléphants, chèvres, serpents…) et même par des chevaux marins ou encore des centaures.
Le trige
D’après quelques textes anciens, il s’agit d’un char à trois chevaux, mais le trige, qui est le dispositif de traction, était tiré par seulement deux chevaux, la rendant ainsi techniquement un bige.
En effet, un troisième cheval était attaché aux deux autres par une laisse ou une longe, semblable à un cheval de trait, apparemment dans le but de permettre des changements.
Le troisième cheval du trige était appelé « παρήορος » selon Hésychius, et « σειραῖος » selon Denis d’Halicarnasse.
Stace, dans sa Thébaïde, l. VI. vers. 461, le nomme « equus funalis » en latin, ce qui signifie cheval de laisse ou de longe.
Bige, trige, quadrige & currus
Nous ne garderons sous les noms de bige & quadrige que les petit chars bas attelés tels que nous les montrent les deniers de la république.
En effet, malgré les très nombreuses variations du char qui sera trainé par des montures différentes comme des mules, des chevaux, des éléphants, des lions, le véhicule est toujours nommé « quadrige » dans la littérature numismatique mais il s’agit d’autres véhicules qui possèdent des noms à part entière & que nous verrons par la suite.
Le currus comme terme générique
Le currus est le terme générique qui désigne un char romain à deux roues où l’on entrait par derrière, mais qui était fermé sur le devant et découvert (le terme est latin et signifie simplement « char » ou « véhicule »)
Mais le currus n’est pas spécifiquement lié à un nombre précis de chevaux, contrairement au bige qui est spécifiquement un attelage à deux chevaux ou à un quadrige qui est un attelage de 4 chevaux.
Ce qu’il faut retenir avant de continuer…
Le bige et le quadrige désignent des voiture basses et légères (char de courses ou de guerre) mais peuvent aussi désigner d’autres véhicules tirés par 4 chevaux (par un quadrige) ou par deux (un bige).
Currus volucris
Char avec des ailes attachées aux deux bouts de l’essieu que l’on retrouve pour Cérès (et Triptoleme) ou pour Médée.
On le retrouve uniquement sur quelques monnaies provinciales.
Currus triumphalis
Il s’agit d’un char triomphal qui portait les généraux ou des empereurs romains dans leur triomphe.
Currus triumphalis, modèle de luxe !
Un des modèles n’était pas ouvert par derrière comme le currus ordinaire ; mais complètement circulaire et fermé de tous les coté (Zonar. VI, 21)
Ses panneaux étaient aussi décorés de sculptures en ivoire ou de métaux précieux : de là vient qu’il est aussi appelé le char d’ivoire (currus eburneus).
L’empereur est en principe représenté sur le char, parfois avec une victoire qui le couronne ou tenant un sceptre et un rameau mais une allégorie peut aussi conduire le char.
Currus triumphalis ouvert
Le modèle se décline aussi dans une version (toujours richement décorée) ou le char est ouvert à l’arrière. Précisons que ceci est assez difficile à percevoir sur les monnaies puisque le char est habituellement représenté de coté.
Dans cette version, celle que l’on rencontre le plus souvent sur nos monnaies, l’empereur est parfois seul, parfois accompagné d’un conducteur ou d’une divinité ou d’autres personnages.
Sur cet antoninien de Gallien frappé à Milan, on admire au revers l’empereur conduisant le currus trimphalis, une victoire le couronnant.
Il est important de re-noter que la littérature numismatique utilise pour décrire ce genre de monnaie le terme de quadrige la plupart du temps mais il s’agit d’un currus triomphalis (tiré par quatre chevaux, donc sous forme de quadrige)
Le currus triumphalis peut aussi être représenté sur les monnaies à l’arrêt et sans conducteur comme sur ce denier d’auguste frappé en l’an 18 en Espagne.
Sur le revers de ce denier on peut admirer un temple tétrastyle, à coupole ronde, posé sur trois marches, contenant un char triomphal, une enseigne légionnaire et un sceptre surmonté d’un petit quadrige…rien que ça !
On notera, pour clore ce chapitre, que certaines descriptions de monnaies comme celle de ce formidable didrachme de Claude frappé en 44-48 à Césarée de Cappadoce, utilise le terme de triumphal quadriga quand il s’agit d’un currus triomphalis
Le carpentum
Voici l’attelage que l’on retrouve le plus souvent sur les grands bronzes.
Il s’agit d’un char généralement à deux roues, rarement à quatre, couvert d’ordinaire par une bâche et pourvu de rideaux que l’on tenait ouverts ou fermés.
Contrairement aux chars de guerre ou aux chars de course (comme les quadriges ou les biges), le carpentum était utilisé principalement pour le transport de personnes, en particulier pour des cérémonies, des processions religieuses, des mariages ou d’autres événements officiels et était la plupart du temps tirés par des mules.
La caisse du char est ornée de statues qui peuvent être positionnées à des endroits différents : sur la partie formant le coffre, à chaque angles, au centre…Les décorations pouvaient êtres en or, en argent ou même en ivoire.
La tensa
Char de cérémonie par excellence tiré par des animaux, souvent des éléphants (mais pas toujours) sur lequel on transportait en grande pompe les images des dieux dans les jeux du cirque (Festus, s.v. ; Cic. Verr. II, 7, 72 ; Suet. Vesp. 5).
Sur ce genre de char on a souvent l’empereur qui est assis en tenant une branche de laurier et un sceptre comme sur le sesterce divus d’Auguste frappé sous Tibère mais des impératrice comme Marcianne ont eu le privilège d’apparaitre sur une tensa mais avec seulement 2 éléphants. Ce char de pompe d’images divines était a priori réservé aux empereurs et impératrices ayant bénéficié d’une apothéose.
Julia Domna a aussi eu l’honneur d’apparaitre sur une tensa trainée par un quadrige de lion (voir chapitre Bige, trige, quadrige & currus)
On notera aussi dans la littérature numismatique des tensa conduites par des quadriges de chevaux et surmontées de victoires ou de personnages divers comme, par exemple (car il y a de nombreux exemples), sur ce denier de Claude I (Ric.5) frappé à Lyon.
Les véhicules non représentés sur les monnaies
Pour finir, il existe tout un tas de chars qui n’apparaissent pas sur les monnaies romaines comme par exemple la basterna qui était une sorte de véhicule, ou litière, dans lequel les femmes de la Rome antique étaient transportées. Il semble avoir ressemblé à la lectica ; et la seule différence apparemment était que la lectica était portée sur les épaules des esclaves, et la basterna par deux mules.
Il y en a bien d’autre mais comment terminer sans citer le currus falcatus qui est un char de guerre muni de lames de fer tranchantes ou de faux attachées à l’extrémité du timon et de l’essieu !
Malheureusement, cette machine de guerre qui devait faire le bonheur des légions et le malheur des ennemis n’est gravée sur aucune monnaie… Elle ne fera donc pas le bonheur des collectionneurs… à moins que nos monnaies aient été mal observées…
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Origine des images
- Didrachme, collection Oliva
- Quadrige sur revers de denier serratus, RRC 364/1d, Numismatica Ars Classica, Auction 138, Lot 569
- Quinaire de la république, British museum
- Denier de la république avec Bige, RRC 133/3, BNF
- Denier de la république avec bige de serpents, RRC 385/3, Numismatica Ars Classica, Auction 84, Lot 793
- Julia Domna, As, Quadrige de lions, Leu Numismatik, Auction 13, Lot 297
- Char ailé sur bonze d’Hadrien frappé à Achaea, RPC III, n° 257
- Denier de la république avec trige, Tauler & Fau Subastas, Auction 95, Lot 141
- Denier de la république, Crawford 197/1a, Classical Numismatic Group, Inc., Electronic Auction 484, Lot 636
- Vespasien, sesterce Currus triomphalis, Classical Numismatic Group, Triton Xxv, Lot 850
- Gordien III, antoninien, collection Briac Michaud
- Currus dans un temple, Auktionshaus H. D. Rauch, Auction 90, Lot 326
- Gallien, Numismatica Ars Classica, Auction 92, Lot 656
- Claude I, Didrachme RPC 3625, Numismatica Ars Classica, Auction 120, Lot 710
- Agrippine, sesterce avec carpentum, Heritage Auctions, Auction 3032, Lot 23898
- Domitillia, sesterce avec carpentum, Fritz Rudolf Künker, Auction 280, Lot 557
- Titus, sesterce, Divus Vespasianus, Ars Classica, Auction 59, Lot 949
- Divo Auguste, sesterce avec la tensa frappé sous Tibère, Hess Divo, Auction 317, Lot 840
- Marcianne, sesterce, Numismatik Naumann (formerly Gitbud & Naumann), Auction 135, Lot 507
- Tensa conduite par un quadrige de chevaux, Claude, Denier, Gemini, Auction Xii, Lot 341
Encore un chouette article.
Pour la république, nous retrouvons le plus souvent Victoria conduisant un bige et Jupiter le quadrige. 🙂
Petite question, sous l’Empire, trouve-t-on souvent l’iconographie du char du soleil? Pour la république, nous la trouvons que sur un seul denier.
Merci et encore bravo!
magnifique article ,a quand une édition papier
hé oui ,j’aime lire et relire , et faire connaitre sans écran et lumiére bleu,
on peut sauter de page en pages et (d’après moi) beaucoup mieux sans imprégner la rétine et l’esprit
Top j’ai appris plein de trucs bravo 👍👌
Très bon article comme d’habitude, on apprend toujours!