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Si vous êtes un passionné de numismatique, vous connaissez sans doute le dupondius de Nîmes, dit « As de Nîmes », une pièce de monnaie antique émise à l’époque d’Auguste et qui présente un crocodile enchaîné à une palme sur son revers.
Entre les monnaies romaines et gauloises, la frontière peut parfois sembler floue. C’est le cas avec l’As de Nîmes, une pièce de monnaie énigmatique qui a suscité de nombreuses discussions chez les numismates, offrant un terrain fertile à des débats passionnés et à des théories audacieuses.
Alors, cette pièce de monnaie devrait-elle être classée comme monnaie romaine ou monnaie gauloise ?
Sommaire :
- Description et composition
- Divisionnaires
- Monnaie romaine ou gauloise ?
- Monnaies impériale ou provinciale ?
- As ou dupondius ?
- Des stries sur les As de Nîmes ?
- Conclusion
- Comment reconnaitre les 4 types ?
- Bibliographie sélective
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L’As « au crocodile », définition et caractéristiques
À l’époque d’Auguste, vers -27/-28, Nîmes a émis une monnaie originale connue sous le nom d’As « au crocodile ».
As de Nîmes : description
L’avers de l’As de Nîmes montre les bustes adossés d’Auguste, fils du divin (DIVI F) sous-entendu César, représenté avec une couronne de lauriers (ou de chênes), et de son gendre et ami Agrippa, coiffé d’une couronne rostrale réservée aux vainqueurs de batailles navales.
Au revers, un crocodile enchaîné à une palme symbolise la soumission de l’Égypte à Rome.
La palme qui est le symbole de la victoire, est un attribut d’Apollon, dieu protecteur d’Octave (un sanctuaire à Apollon se trouvait en face du site de la bataille d’Actium).
Le tout est surmonté par la légende COL NEM qui signifie colonia Nemausensis (Colonie de Nîmes).
Ces deux faces commémorent la victoire navale d’Actium remportée par Octave et Agrippa sur Marc Antoine et Cléopâtre en 31 av. J.-C.
Composition de l’as de Nîmes :
L’As de Nîmes a été frappé pendant envions 40 ans, divisé par les numismates en 4 émissions, soit les types I, II, III et IV.
Cette pièce de monnaie est souvent en bronze mais certains modules du type I sont en orichalque (cuivre d’or en latin), nom savant pour désigner le laiton (cuivre + zinc) avec un peu d’étain.
Sous l’Empire romain, les sesterce et les dupondius sont frappés en orichalque et il fallait peut-être utiliser un métal visuellement différent pour distinguer les As de bronze des dupondii.
Dans tous les cas, les alliages utilisés sont ainsi très variables en fonctions des 4 émissions.
As de Nîmes : divisionnaires & sous multiples
On retrouve souvent cette monnaie coupée en deux ou même plus rarement en 4. Cette pratique était courante en raison d’un manque de divisionnaire. On divisait ainsi la valeur grâce à ce stratagème pour pallier ce problème.
Il est important de noter qu’il n’y a eu aucun semi frappé de facture officielle. Les semis étaient des imitations gauloises de plus petite taille et poids que l’as officiel pour une circulation locale. Il s’agissait d’un stratagème pour éviter de casser des as en deux pour obtenir la valeur de deux semis.
Une manière de pourvoir à des besoins de petite monnaie divisionnaire : nécessité fait loi!
As de Nîmes : monnaie romaine ou gauloise ?
En premier lieu, à cette date, surtout en Provincia Romana / Narbonnaise, on est dans le monde romain.
Économiquement parlant, il est évident que l’As de Nîmes est une monnaie romaine. Tout d’abord, la pièce est frappée avec un portrait de l’empereur romain Auguste sur l’avers, ainsi qu’avec le nom de la ville en latin « NEMAVSVS ».
En outre, le style de la pièce est similaire à celui des autres monnaies romaines provinciales de l’époque.
Enfin, l’As de Nîmes était destiné à être utilisé dans le commerce de l’Empire romain.
Cependant l’as de Nîmes (surtout le type II) portait souvent l’empreinte des graveurs gaulois même si ceux ci étaient inspiré par les romains. Mais n’est-il pas beaucoup plus juste de dire « des graveurs d’origine gauloise » plutôt que » des graveurs gaulois » ?!
Par ailleurs, les contre-marques DD (Decreto Decurionum | Décret de la décurie Nîmoise) montrent qu’elle relèvent de la décurie locale.
On peut donc parler au mieux de monnaie gallo-romaine pour le Dupondius (ou As) de Nîmes.
As de Nîmes : monnaie impériale ou provinciale ?
Les émissions officielles des types I & II (dans la lignée des dupondius de Lyon, Vienne et Orange) ont circulé dans tous l’empire mais étaient-elles destinées à cette circulation . Il s’agit donc plutôt d’émissions qui ont fait office de monnaies impériales mais qui ne l’étaient pas.
En effet au Ier siècle avant notre ère, le monde romain a une grosse pénurie de monnaies de bronze. Il fallait donc palier ce manque. Mais une monnaie avec une mention coloniale ( COL NEM), ne peut pas être frappée pour tout le monde romain. Ça n’aurait aucun sens.
Les type III et IV ont surtout circulé en Gaule intérieure (le type IV encore plus localement, au sud de la Loire). Il s’agit alors pour ces deux types de monnaies plutôt considérées comme provinciales.
De toutes façons, les numismates s’accordent globalement pour classer l’As de Nîmes « en général » parmi les monnaies romaines provinciales.
As ou dupondius ?
Le « dupondius » est une monnaie romaine qui avait une valeur de deux As.
L’As de Nîmes ressemblait beaucoup à un dupondius, car il a un diamètre plus grand que la plupart des as romains, mais il avait une valeur d’un as et était donc techniquement considéré comme ….un as.
Prof. Cambreling me disait, lors d’une de nos diverses et multiples discussions, que pour lui les frappes officielles sont des dupondii. Mais que le type II est un peu léger et pas toujours en laiton, et donc amène à la confusion. On a aussi beaucoup de bonnes imitations légères et en cuivre qui ruinent les analyses parce qu’on ne sait pas trop faire la différence.
As ou Dupondius le débat est toujours d’actualité c’est pour cela qu’en tant que numismate prudent vous pouvez utiliser le terme de « moyens bronzes » pour les frappes officielles !
Les stries sur les As de Nîmes
La plupart des collectionneurs aura remarqué les stries sur certains exemplaires….Ces sillons peu profonds parallèles entre eux sont-ils contemporains aux monnaies et d’où viennent-ils ?
H. Zehnacker nous apprend dans le TM VI de 1984 (la trouvaille de La Villeneuve-au-Châtelot) que les coins étaient des pièces de fer trempé d’une certaine longueur en forme de tige ou de barillet. Lorsqu’ils étaient usés, on les sciait ou on les limait pour obtenir une surface nette avant de les regraver à nouveau ! Le même coin pouvait donc ainsi parfois recevoir plusieurs gravures successives et c’est donc la scie ou la lime qui laissait sur la surface du coin remis à neuf ces stries parallèles.
Conclusion : « comme le port salut »
En fin de compte, et c’est écrit sur la pièce, il est important de savoir que l’As de Nîmes est une pièce de monnaie romaine, et non gauloise même si l’As de Nîmes reste un témoignage fascinant de l’histoire et de la culture de la Gaule romaine, et montre l’influence de la culture romaine sur les provinces de l’Empire.
Et si vous faites partie des collectionneurs qui classent encore leurs As de Nîmes parmi les monnaies gauloises, le débat continue en commentaire !
Typologie des 4 émissions – Reconnaitre les type !
As de Nîmes , type I :
- Gros module (Ø 30 à 40 mm)
- Ponctuation sur • COL • NEM
- Agrippa est toujours barbu
- Auguste juvénile, tête nue
- Tranche biseautée
- Datation : 28/27 av. J.-C.
As de Nîmes, type II :
- Identique au type I mais module réduit (Ø 25-26 mm)
- Datation : 28/27 à 9/8 av. J.-C.
As de Nîmes, type III :
- Agrippa imberbe (glabre)
- Auguste coiffé d’une couronne de chêne
- Datation : 9/8 à 3 av. J.-C.
As de Nîmes, type IV :
- Lettres PP (pater patriae ) à l’avers
- Auguste coiffé d’une couronne de laurier
- Datation : 10 à 14 apr. J.-C.
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Bibliographie :
- Jean-Pierre Terrien, As de Nîmes rime avec énigme, Cheverny 2018.
- Alain Veyrac, Le symbolisme de l’as de Nîmes au crocodile, éditions Monique Mergoil, 1998
- Michel Amandry, Roman provincial coinage, Volume 1, p. 152 à 154, pl. 35 et 36, éditions de la BNF
- Trésors Monétaires volume VI – Trouvaille de La Villeneuve-au-Châtelot (Aube)
Bonjour Cédric
Ce sont bien évidemment des monnaies Gallo-Romaines, utilisées en priorité dans une partie de l’Empire, tout comme les monnaies des empereurs frappées en Espagne et que je qualifierais de monnaies Ibéro-Romaines. A noter, comme ce sera le cas plus tard avec les antoniniens de l’atelier de Viminacium, cette particularité que les deniers et aureï frappés à Lugdunum et en Espagne, ne seront pas considérées comme des monnaies provinciales. Alors que ce sera souvent le cas pour les Semis de Reims (?) les As et Dupondius de Nîmes, Lyon, Orange et Vienne.
Merci pour ton commentaire Christian