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Sommaire :
- Le prix de référence
- Les biais comportementaux : l’effet de dotation
- Les autres biais cognitifs et les pièges psychologiques
- Les classiques : le grade et la rareté
- Le pédigrée
- Les tendances et les modes
- La méthode complète !
- En guise de conclusion : prix = valeur ?
Le prix de référence
C’est cher ? Ça dépend.
Combien coûte une girafe ? Une belle girafe de 3 ans et 850 kg.
Allez, réfléchissez bien, peut-être que vous le savez.
Toujours rien ? C’est normal.
Parce que notre cerveau est aussi compétent pour évaluer la valeur des choses qu’un collectionneur de cartes postales dans une bourse numismatique.
Pour mettre une valeur sur quelque chose, notre cerveau triche grâce au contexte.
Par exemple :
- Le prix précédent : À quel prix était la girafe la dernière fois ?
- Le prix affiché : À quel prix était affichée la girafe sur la publicité ?
- Le prix estimé : À quel prix est vendue une girafe dans mon imagination ?
- Le prix adjacent : À quel prix sont les girafes des concurrents ?
- L’offre à proximité : À quels prix sont vendus les rhinocéros ?
Puis notre cerveau mixe ces informations pour en extrapoler une valeur financière. C’est ce que l’on appelle “le prix de référence”.
Bien sûr, tout cela est inconscient et très rapide. Ensuite, le collectionneur (acheteur ou vendeur) compare ce prix de référence à l’offre proposée pour en déduire si c’est un bon deal ou pas.
On peut d’ailleurs prendre l’exemple de mes V.S.O. privées où mes clients ne peuvent pas voir les offres des autres clients (c’est tout simplement la meilleure offre qui l’emporte). Cependant, peu de clients participent car ils ne savent pas quelle offre faire. Ils sont confrontés à ce même dilemme d’évaluation de valeur, car sans référence claire, il leur semble difficile de déterminer un prix juste.
Les biais comportementaux : l’effet de dotation
L’Endowment effect, ou effet de dotation, démontre la tendance des individus à attribuer plus de valeur à un bien lorsque celui-ci est déjà leur propriété, comparé à quand il ne l’est pas. Ce phénomène psychologique influence fortement la perception de la valeur et complique l’évaluation des objets, y compris des monnaies de collection.
Lorsque nous possédons un bien, notre évaluation de sa valeur est modifiée par divers facteurs psychologiques.
Tout d’abord, nous nous attachons émotionnellement à l’objet, surtout s’il a une histoire ou une signification personnelle. Cet attachement crée un sentiment d’accoutumance : nous devenons habitués à posséder l’objet et il fait partie intégrante de notre environnement quotidien. Par conséquent, nous ne voulons plus nous en séparer, et sa valeur à nos yeux augmente.
Prenons l’exemple d’un collectionneur qui possède un denier rare de Trajan. À ses yeux, ce denier est bien plus précieux que pour un acheteur potentiel.
Pourquoi ? Parce qu’il a investi du temps, de l’énergie et des ressources pour acquérir cette pièce.
De plus, il pourrait associer cette monnaie à des souvenirs, des connaissances acquises ou même à une certaine fierté d’avoir trouvé un exemplaire rare et bien conservé. Cet attachement personnel entraîne une évaluation subjective qui dépasse souvent la valeur marchande réelle.
Cette surestimation causée par l’effet de dotation a plusieurs conséquences :
- D’une part, le collectionneur peut demander un prix plus élevé que ce que le marché est prêt à offrir, rendant la vente difficilen
- d’autre part, même si le collectionneur trouve un acheteur prêt à payer le prix demandé, il pourrait encore hésiter à vendre, car la perte émotionnelle perçue serait trop grande.
Ce biais entraîne une discordance entre la valeur perçue par le propriétaire et la valeur marchande réelle, rendant les transactions difficiles et souvent déséquilibrées.
Les autres biais cognitifs et les pièges psychologiques
Outre l’effet de dotation, d’autres biais cognitifs influencent la perception de la valeur des monnaies antiques.
L’aversion à la perte
L’aversion à la perte est un biais, bien documenté en psychologie et en économie comportementale, qui décrit la tendance des individus à préférer éviter les pertes plutôt qu’à acquérir des gains équivalents.
En d’autres termes, la douleur ressentie lors de la perte d’un bien est généralement plus intense que le plaisir procuré par un gain de même valeur.
L’aversion à la perte rend les collectionneurs réticents à se séparer de leurs pièces, même lorsque le marché est favorable. Ils peuvent craindre, par exemple, de vendre une monnaie aujourd’hui pour ensuite constater une hausse de sa valeur. Cette hésitation peut les amener à conserver des pièces même lorsque leur vente serait financièrement judicieuse.
Imaginons un collectionneur qui possède un aureus rare de Néron. Bien qu’il ait reçu une offre attractive de 40 000 euros pour cette pièce, il refuse de vendre.
Sa décision est influencée par l’aversion à la perte : il craint de regretter la vente si la valeur de l’aureus augmente à l’avenir ou s’il ne parvient pas à en retrouver un exemplaire similaire.
De plus, l’attachement émotionnel à cette monnaie, renforcé par son intérêt historique et esthétique, amplifie son hésitation. Ainsi, il préfère conserver l’aureus plutôt que de risquer une perte, même potentielle.
L’effet d’ancrage
L’effet d’ancrage est une distorsion de l’information qui se produit lorsque les individus se fient trop à la première information rencontrée (l’ancre) pour prendre des décisions.
Concrètement, on parle d’ancrage à partir du moment où on a de la difficulté à se défaire d’une première impression. Soumis à l’effet d’ancrage, notre cerveau va en effet avoir tendance à se fier à l’information qu’il a reçue en premier et sera influencé sur les décisions qu’il va prendre ensuite.
Par exemple, si un collectionneur voit une monnaie annoncée à un prix élevé, il peut inconsciemment utiliser ce prix comme référence pour estimer la valeur d’autres pièces similaires, même si le prix initial n’était pas réaliste.
L’illusion de rareté
L’illusion de rareté fait référence à la tendance à surévaluer la rareté d’un objet, surtout lorsque l’offre est artificiellement limitée ou perçue comme telle. Cela peut conduire les collectionneurs à payer des prix excessifs pour des pièces qu’ils croient plus rares qu’elles ne le sont réellement.
Pour minimiser l’impact de ces biais, il est essentiel de consulter plusieurs sources, de comparer les prix sur des périodes étendues, et de chercher des avis de différents experts avant de prendre une décision d’achat ou de vente.
Les classiques : le grade et la rareté
L’importance de l’état de conservation
L’état de conservation d’une monnaie antique est un critère majeur dans son évaluation.
L’évaluation de l’état de conservation repose sur plusieurs facteurs : l’usure, la lisibilité des inscriptions, la clarté des images, et la présence de défauts ou de dommages…
Pour bien comprendre quels sont tous ces aspects importants à prendre en compte pour estimer une monnaie, n’hésitez pas à lire l’article correspondant au grading des monnaies antiques et féodales dans la section guides d’achat.
La rareté et l’offre limitée
Complètement oublié par une grande partie des numismates généralistes, la rareté est un facteur déterminant dans la valorisation des monnaies antiques.
Lorsque peu d’exemplaires d’une monnaie spécifique sont disponibles, la demande des collectionneurs peut dépasser largement l’offre, entraînant une hausse des prix. La rareté augmente aussi l’attrait et la valeur perçue des pièces.
Toutefois, même si cette dynamique peut être perturbée par la découverte de nouveaux trésors, modifiant subitement l’offre disponible et impactant les évaluations antérieures, il est assez compliqué (voir souvent impossible) d’évaluer cette rareté en 30 secondes sans consulter une documentation précise et pointue.
Plus complexe : la provenance et l’histoire des pièces
La provenance, ou l’historique de propriété et d’origine d’une monnaie (le pédigrée), va considérablement augmenter sa valeur.
Une provenance bien documentée permet de retracer l’histoire d’une pièce, ajoutant une dimension narrative qui peut la rendre plus attractive pour les collectionneurs.
Savoir que la monnaie a appartenu à une célèbre collection ou qu’elle a été trouvée dans un site archéologique notable peut significativement augmenter son prix.
La provenance influence non seulement la valeur financière, mais aussi la crédibilité et la légitimité des collections. Les musées et les grands collectionneurs accordent une importance particulière à la provenance pour s’assurer que leurs acquisitions sont éthiques et légitimes.
Mais quoi de plus logique ? qui ne préfère pas avoir une monnaie qui aurait appartenu à Louis XVI ou André Breton plutôt qu’à Roger Lafont de Montbrison dans le 42 ?
L’influence des tendances et des modes
Les tendances et les modes dans le marché numismatique évoluent constamment, influençant la demande et les prix des monnaies romaines antiques.
Les découvertes archéologiques peuvent aussi avoir un impact significatif sur le marché. Par exemple, la découverte d’un trésor contenant de nombreuses pièces d’une même émission peut temporairement saturer le marché, diminuant ainsi la valeur de ces pièces. À l’inverse, une découverte unique et exceptionnelle peut augmenter l’intérêt et la valeur de pièces similaires.
Les événements historiques, comme les anniversaires de batailles ou de règnes importants, peuvent aussi raviver l’intérêt pour certaines monnaies, augmentant ainsi leur demande et leur valeur. De même, les modes peuvent être influencées par des publications académiques ou des expositions muséales mettant en lumière certaines périodes ou types de pièces.
Les plateformes en ligne et les enchères jouent également un rôle crucial dans ces tendances. Les sites d’enchères en ligne ont rendu le marché plus accessible, mais ont aussi introduit de nouvelles dynamiques de prix, souvent basées sur la visibilité et la concurrence.
THE méthode
Oubliez le marchand qui regarde votre pièce dans un salon pendant 25 secondes et qui vous dit « oui elle est chouette, je dirais que votre pièce vaut 150 € «
Oubliez le prix proposé par un collectionneur qui veut revendre un denier d’Auguste qu’il a reçu en héritage de son arrière-grand-père.
Oubliez les raccourcis. Évaluer correctement le prix d’une monnaie de collection prend du temps. Beaucoup de temps.
- identifier la monnaie,
- vérifier l’authenticité,
- établir l’état de conservation,
- vérifier ou rechercher un éventuel pédigrée,
- prendre en compte les biais cognitifs,
- rechercher une vente récente et effective (pas un prix affiché) pour le même type et dans la même qualité,
- Et prendre en compte l’inflation, si besoin.
Bref, si vous avez besoin de revendre une monnaie
Vous aurez compris, estimer une monnaie est un processus complexe qu’on peut essayer d’objectiver le plus possible. C’est le rôle d’un professionnel. J’en fais régulièrement mais pas en 35 secondes : regarder votre monnaie rapidement ne suffit pas.
Et si vous voulez uniquement connaitre la valeur de votre monnaie
Le vendeur ne pourra donner qu’un prix, pas une valeur…Oui, car une monnaie de collection pourra avoir une immense valeur : sentimentale si vous la tenez de votre grand-père, historique si elle raconte un événement, numismatique si son type est original, artistique si le graveur était bon… Cela ne signifiera pas forcément que cette monnaie aura un prix élevé.
Dans la lignée des grands philosophes stoïciens, apprenons à profiter de la valeur de nos monnaies sans nous soucier de leur prix.
De toute façon, le juste prix, n’est-il pas celui que nous sommes prêt à payer ?
beau travail comme d’habitude
Merci pour ton excellent travail 👏
Quel plaisir de vous lire. Tout à fait d’accord avec vous. Le plaisir d’abord!