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On n’a pas tous fait allemand première langue. Alors quand dans un texte numismatique on trouve le mot « Abschlag » (à vos souhaits!), on est un peu désarçonné. Quelques explications !
Définition
Dans la langue de Goethe, Abschlag signifie « acompte » ou « réduction ». Au pluriel, on devrait même parler d’Abschläge et pas d’Abschlags.
En numismatique, on désigne par ce mot des objets frappés dans un module vil à partir de coins gravés pour frapper un métal précieux (et donc plutôt destiné à des monnaies en or comme l’aureus).
La littérature anglophone préfère le terme offstrike.
En règle générale, il s’agit donc de monnaies romaines qui ne sont pas en or mais frappées avec des coins d’aurei , voire de multiples. Mais pourquoi de tels objets voient-ils le jour ?
L’hypothèse de monnaies circulantes frappées avec des coins d’aureus
Il est possible que des coins d’aureus aient été utilisés pour frapper des monnaies ordinaires, faute de coins suffisants, ou par erreur.
C’est ainsi que des monnaies laurées en métal vil, dont on ne connaît les types que pour des aurei, sont parfois qualifiées de deniers.
Cependant, la différence de poids avec un antoninien ou un aurélien n’est pas assez nette pour que cela se justifie.
En effet, comme le démontre aussi Holmes (élémentaire mon cher Wolkow) dans le BCEN de septembre-décembre 2023 (Gold coins and offstrikes from the mint of Viminacium under Valerian I and Gallienus), la masse des exemplaires connus fluctue trop pour qu’il puisse s’agir de monnaies régulières.
Mais il ne faut pas disqualifier tous les quinaires ou deniers. Il en existe sans doute et peut-être que la littérature anglo-saxonne dégaine-t-elle un peu vite les offstrikes et Abschläge.
Cependant, le métal des deniers semble loin d’un argent fin et les masses varient. Quel commerçant n’aurait pas été étonné de se voir payer en monnaies laurées au IIIè siècle ? D’autant plus qu’il aurait valu un demi-antoninien alors qu’il pèse souvent davantage, et affiche des types peu fréquents. En ces périodes où on cherche à produire le plus de monnaies avec des stocks de métal limités, est-ce que cela n’aurait pas été une perte d’argent pour l’état ?
En outre, il serait dommage d’user des coins qui ont été plus soignés que les autres. Et le nombre d’objets frappés reste d’ordinaire très inférieur à une production normale. Ces objets sont rares.
L’hypothèse de cadeaux
Il a donc été envisagé que ces objets pouvaient avoir été frappés comme cadeaux, gratifications, pour des personnes (souvent dans un contexte militaire) que l’on veut distinguer, mais pas au point de leur offrir une monnaie d’or.
On connaît pour le IIIè siècle et en particulier l’Empire romain des Gaules de nombreux objets frappés avec des coins d’exception (portraits accolés, revers rares).
La frappe est soignée mais en métal vil. On sait que ces émissions ont servi à des gratifications de militaires, avec antoniniens pour la base et monnaie d’or pour les officiers les plus supérieurs.
Plus qu’une valeur économique, ces objets auraient alors eu une valeur symbolique, honorifique, artistique même. C’est ce qui est représenté qui aurait eu de la valeur, aurait été distingué. Les contextes archéologiques pourraient peut-être alors confirmer ou infirmer cette hypothèse.
L’hypothèse d’essais de coins
On a aussi pensé, et l’hypothèse semble particulièrement séduisante, qu’il pourrait s’agir d’essais, de tests d’un coin, après sa gravure (ou en cours de gravure).
Avant qu’on ne lance la production de monnaies d’or (avec tout le contrôle des matières premières que cela implique), on aurait voulu voir ce que ça donne sur une frappe, dans le bon sens. Qu’il n’y ait pas d’erreur, et que le motif soit bien réalisé.
Avant d’apporter l’or, on s’assure que le coin soit prêt, conforme, satisfaisant.
Cela est particulièrement convaincant quand le métal est très vil (comme du plomb) pour des modules spécialement précieux (comme des multiples d’or), et plus encore quand l’objet n’a qu’une face frappée : il s’agit très vraisemblablement d’une étape préalable à la frappe de grands médaillons.
Je pense au médaillon de plomb de Lyon, qui est d’un style et d’un diamètre qui évoque nécessairement les plus extraordinaires objets du trésor de Beaurains.
Sans doute ne faut-il pas opposer ces hypothèses entre elles : elles ne s’excluent pas mutuellement. Selon les objets, l’époque, la situation… l’explication peut venir de l’une ou l’autre d’entre elles.
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Origine des images
- Probus, denier ou abshlag, Numismatik Gmbh, Auction 4, Lot 686
- Postume, Abshlag, Fritz Rudolf Künker Gmbh & Co. Kg, Auction 257, Lot 9076
- Salonine, abshlag, base de donnée des monnaies de Gallien & Salonine
- Montage bannière : Victorin, Leu Numismatik, Auction 2, Lot 310 – Gallien, Leu Numismatik, Auction 14, Lot 241
M.C.
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Toujours aussi intéressant. Merci.