La Guerre civile de 68-69, partie II
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PRATIQUER > LES MONNAIES RACONTENT L’HISTOIRE
Sommaire
Les dernières années du règne de Néron furent agitées. Des complots (Pison, en 65) et des révoltes (Vindex, en 68) avaient donné le ton. Galba, figure publique de premier plan depuis des années se prépare depuis l’Espagne dont il est le gouverneur.
Du gouvernorat à la pourpre
Quand Vindex avait appelé les gouverneurs à rejoindre son mouvement (👉lire l’article), Galba s’était montré intéressé. Il se savait assez intouchable : issu de la noble gens Sulpicia, on lui aurait déjà proposé la pourpre à la mort de Caligula (il est né en 3 av JC). C’est dire s’il compte dans le paysage politique.
Reconnu pour sa compétence, sa sévérité (d’aucuns parlent même de cruauté), sa frugalité (ou son avarice ?), il a tout du Romain des temps anciens.
Ses portraits monétaires ont d’ailleurs tout d’un style vériste républicain, avec son nez busqué, sa bouche pincée, ses cheveux filasse.
Convaincu cette fois de remplacer Néron, il fait savoir qu’il brigue le poste pour rétablir la liberté du peuple romain, mais reste dans sa province jusqu’au suicide de Néron le 8 juin 68.
Entre temps, en étudiant les rapports de ses informateurs au plus près du pouvoir, il fait frapper des monnaies au message politique clair.
Des deniers sont émis aux types HISPANIA, GALLIA HISPANIA, TRES GALLIAE…
L’ancrage local est revendiqué, pour s’assurer la fidélité de ces provinces.
La CONCORDIA PROVINCIARVM devant permettre la renaissance de Rome (ROMA RENASCENS)
Galba se présente comme le « lieutenant du sénat et du peuple romain » et n’émet que des monnaies, anonymes ou sans titre impérial du vivant de Néron. Mais il reste en Tarraconaise, à l’abri, et en continuant de recevoir des informations de Rome.
Ce n’est qu’en apprenant la mort de Néron, le dernier julio-claudien le 8 juin 68 qu’il « accepte » le titre de César et se met en route pour la capitale.
Le retour à Auguste
Une fois aux manettes, Galba doit assurer la survie d’une régime qui s’interroge : qu’est-il ? Une monarchie à la grecque ? Impossible, il a été fondé par des Triumvirs pour la Restauration de la République (IIIVIR RPC) ! Néanmoins, après le règne de Néron, on peut se poser la question.
Galba décide donc de faire appel à une figure de fondateur consensuel : Auguste ! Tel est le nouveau régime : un augustéisme, c’est-à-dire un absolutisme qui se donne des airs de principat.
Dès ses premières monnaies, Galba s’appuie sur Auguste. Il fait frapper des monnaies anonymes au capricorne, et des monnaies de restitution du divin auguste.
Les monnaies au nom de Galba le montrent souvent sur une statue équestre, à la manière de celle d’Octave après Actium.
Enfin, sans doute de la façon la plus évidente, Galba fait figurer au revers de nombreuses de ses monnaies la couronne civique de chêne avec l’inscription SPQR OB CIV(es) SER(ervatos) pour célébrer les vies de citoyens qu’il aurait sauvées par son accession, comme Auguste qui avait mis fin aux guerres civiles.
Des monnaies de Galba portent aussi au revers une Livie voilée avec la légende DIVA AVGVSTA. On s’appuie sur les grandes figures augustéennes. Mais Auguste comme Livie sont des divi : c’est parce qu’ils sont derrière nous qu’ils peuvent être des modèles. Il fallait néanmoins couper avec les julio-claudiens.
Remplacer Néron
Mais on ne fait pas table rase en quelques semaines de treize ans de règne de Néron.
Habilement, Galba conserve quelques types monétaires de son prédécesseur.
Peut-être même remploie-t-il des coins déjà prêts. Des monnaies sont contremarquées pour être maintenues en circulation : la damnatio memoriae n’est pas encore appliquée.
Les bronzes de Galba sont nombreux avec Rome assise, avec la Victoire ou encore avec Securitas.
De façon surprenante, l’arc de Néron semble aussi figuré sur les monnaies de Galba comme nous le verrons un peu plus loin.
Pour une renaissance de Rome
Pour le reste, les monnaies de Galba déploient un discours très convenu après un règne contesté, une guerre civile et pour le début d’une dynastie : des grandes vertus régaliennes (AEQVITAS, LIBERTAS, PAX, HONOS ET VIRTVS…)
Toutes ces qualités du prince doivent permettre une renaissance de Rome (ROMA RENASCENS), après le règne de Néron.
Mais tout cela coûte cher et Galba est avare au plus haut point, avec ses sous comme avec ceux de l’État. En quelques mois, le peuple se remet déjà à gronder. Il faut des largesses pour le calmer.
C’est sans doute pour cela que des monnaies célèbrent la « remise du quarantième » (un impôt d’un quarantième de la valeur, qui avait été rétabli par Caligula). En supprimant ou réduisant cet impôt, il espère calmer la gronde populaire.
On le trouve sur des légendes comme QUADRAGENS REMISSAE (pour le Quarantième assoupli) ou XXXX REMISSA.
Cependant, pourquoi ces types figurent-ils un arc monumental ? De Néron ?
On en trouve aussi des mentions dans les champs du revers avec les inscriptions R | XL (remissa 40).
Malheureusement, son impopularité ne s’arrange pas. Des légions refusent même de lui renouveler leur allégeance le premier janvier 69.
Galba cherche à préparer sa suite et adopte le 10 janvier comme successeur un autre descendant d’une grande famille républicaine : Lucius Calpurnius Piso Licinianus. Mais le 15 janvier, ils sont assassinés.
Tacite émettra un jugement sans appel qui aurait pu lui servir d’épitaphe : omnium consensu capax imperii nisi imperasset (De l’avis général, digne de l’Empire. S’il n’avait pas régné.)
L’année des quatre empereurs n’en est qu’à ses début. Avant décembre, Othon, et Vitellius auront le temps d’arriver et de disparaître avant l’avènement de Vespasien.
Partie III : Othon, le débauché amoureux
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Origine des images :
- Denier HISPANIA, Classical Numismatic Group, Triton X, Lot 587
- Denier GALLIA HISPANIA, British museum, 1867,0101.1608
- Denier TRES GALLIA, Numismatica Ars Classica, Auction 80, Lot 72
- Denier CONCORDIA PROVINCIARVM, Roma Numismatics Limited, E-sale 46, Lot 560
- Denier Capricorne, BNF
- Aureus restitution du divin auguste, BNF
- Galba, Aureus, SPQRE / OBCS, Bertolami Fine Arts, Auction 24, Lot 649
- Galba, Aureus, Calicó 482, Ars Classica, Auction 34, Lot 11
- Octave, Aureus, Classical Numismatic Group, Triton Xi, Lot 637
- Galba, sesterce, Hess Divo, Auction 333, Lot 107
- Denier d’Auguste, OB CIVIS SERVATOS, Roma Numismatics Limited, Auction 11, Lot 748
- Galba, Aureus DIVA AVGVSTA, British Museum n° 1915,0407.20
- Sesterce de Néron contremarqué, Roma Numismatics Limited, E-sale 113, Lot 760
- Galba sesterce Rome assise, Ira & Larry Goldberg Coins & Collectibles, Auction 72, Lot 4137
- Galba, Sesterce avec victoire, Gallo-Roman Museum Tongeren
- Galba, As avec SECVRITAS, Auktionshaus H. D. Rauch, Auction 85, Lot 423
- Nero, dupondius avec SECVRITAS, Numismatica Ars Classica, Auction 101, Lot 148
- Galba, sesterce REMISSAE, Numismatica Ars Classica, Auction 98, Lot 1089
- Sesterce LIBERTAS – AVGVST / S – C / R – XL Numismatica Ars Classica, Auction 101, Lot 165
M.C.
Bonjour Cédric
Il me semble avoir vu quelque part (c’est ce que l’on dit quand on ne sait plus où) que les bronzes contremarqués SPQR (j’en ai un ex pas très joli) sont en référence à la révolte de Vindex.
Qu’en penses-tu ?
Sinon, bel article.
CD